Le mois dernier, la Commission fédérale du commerce (FTC) a pris une mesure surprenante.
Elle a averti les plus grandes entreprises technologiques américaines de ne pas se conformer aux nouvelles réglementations européennes.
Cet avertissement se limitait aux cas où les règles européennes entraient en conflit avec les protections américaines en matière de liberté d’expression ou de confidentialité des données. Mais il n’en restait pas moins très inhabituel.
Pourquoi le gouvernement américain demanderait-il à ses propres entreprises de ne pas respecter la législation étrangère ?
Parce qu’il ne s’agit pas seulement de réglementation.
Je pense que c’est le signe que nous entrons dans une nouvelle forme de guerre froide.
Mais au lieu de porter sur les armes nucléaires ou l’idéologie politique, cette nouvelle guerre froide portera sur la liberté d’expression en ligne et sur la question de savoir qui fixera les règles pour la prochaine génération d’Internet.
Et l’Europe et les États-Unis sont déjà dans des camps opposés.
Innovation contre stagnation
Pour comprendre ce qui se passe, il faut connaître la loi sur les services numériques (DSA).
La DSA est une loi adoptée par l’Union européenne (UE) en 2022. Elle a été conçue pour assainir le monde en ligne en obligeant les « très grandes plateformes en ligne » telles que Facebook, YouTube et X à contrôler les contenus illégaux.
L’objectif était de rendre ces entreprises plus transparentes quant à leurs algorithmes et de réduire les contenus préjudiciables tels que la désinformation.
Sur le papier, cela semble raisonnable. Après tout, qui ne souhaite pas des plateformes en ligne plus sûres ?
Mais il y a un hic…
La DSA donne aux régulateurs européens le pouvoir de décider de ce qui est considéré comme « nuisible » ou « illégal ».
Et cela ne s’applique pas seulement aux entreprises européennes. Cela s’applique également à toute entreprise américaine opérant en Europe.
C’est pourquoi la FTC est intervenue.
Le président de la FTC, Andrew Ferguson, a averti les entreprises américaines que si elles affaiblissaient le cryptage, censuraient les discours ou modifiaient leurs pratiques en matière de données pour se conformer aux règles européennes, elles pourraient être sanctionnées aux États-Unis.
Mais je pense que cet avertissement visait davantage Bruxelles que les géants de la technologie.
Il s’agissait d’un message clair à l’Europe, lui indiquant qu’elle ne serait pas autorisée à dicter les règles applicables à l’internet américain.
Car l’enjeu ici dépasse largement la simple conformité des entreprises.
Vous voyez, les États-Unis ont longtemps adopté une approche réglementaire plus souple à l’égard des géants de la technologie. Et cette approche non interventionniste a favorisé une innovation considérable.
C’est pourquoi la plupart des principales plateformes mondiales — Google (Nasdaq : GOOGL), Meta (Nasdaq : META), Apple (Nasdaq : AAPL), Amazon (Nasdaq : AMZN) et Microsoft (Nasdaq : MSFT) — sont américaines.
L’Europe, en revanche, s’est davantage concentrée sur la réglementation que sur l’innovation.
La DSA n’est que le dernier exemple en date, après des règles antérieures telles que le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui impose des limites strictes à la manière dont les entreprises peuvent collecter et utiliser les données personnelles.
C’est pourquoi Washington considère la DSA non pas comme un simple ensemble de règles réglementaires, mais comme une arme dans un conflit économique beaucoup plus large.
La bataille se résume à deux philosophies très différentes.
Les États-Unis considèrent la technologie comme un moteur de croissance et de liberté.
L’avertissement de la FTC visait donc moins à protéger les profits qu’à protéger l’internet ouvert et l’innovation qu’il permet.
L’Europe, en revanche, considère la technologie comme quelque chose qui doit être maîtrisé, étroitement contrôlé et constamment supervisé.
Si cela peut réduire certains risques, cela risque également d’étouffer l’innovation avant même qu’elle ne voie le jour.
C’est pourquoi les États-Unis ne sont pas disposés à laisser les régulateurs européens fixer la norme mondiale.
L’histoire montre en effet que l’approche américaine fonctionne mieux. De la révolution de l’ordinateur personnel à l’essor des smartphones et maintenant à l’intelligence artificielle, les entreprises américaines ont toujours donné le ton au reste du monde.
L’Europe a produit très peu de champions mondiaux de la technologie au cours des deux dernières décennies. Et la surréglementation en est une des principales raisons.
Aujourd’hui, cette surréglementation s’est étendue au commerce.
Le président Trump a menacé d’imposer des droits de douane et des sanctions commerciales aux pays qui imposent des taxes numériques ou des règles discriminatoires visant les géants technologiques américains. En fait, il a doublé la mise en promettant de prendre des mesures de rétorsion supplémentaires si l’Europe continue à mettre la pression sur les entreprises américaines.
Cela nous place au bord d’une guerre froide numérique avec l’Europe qui pourrait remodeler les marchés mondiaux.
Et pour les entreprises elles-mêmes, c’est un scénario cauchemardesque.
- Apple a déjà été condamnée à une amende de 500 millions d’euros en vertu de la loi européenne sur les marchés numériques.
- Meta a été condamnée à une amende de 200 millions d’euros et fait toujours l’objet d’un examen minutieux concernant son modèle publicitaire « payer ou consentir ».
- Amazon se prépare à faire l’objet d’une enquête visant à déterminer si elle favorise ses propres marques sur sa marketplace.
- Et Google vient d’être condamné à une amende record de 2,95 milliards d’euros pour avoir abusé de sa position dominante dans le domaine des technologies publicitaires.
L’avertissement de la FTC montre que les États-Unis considèrent ces amendes comme une attaque contre leur industrie la plus précieuse.
Mon avis
La vérité est que les entreprises américaines sont contraintes de se trouver dans une position impossible.
Elles peuvent soit se conformer à la réglementation européenne et risquer de lourdes sanctions ici, soit défier l’Europe et s’exposer à des amendes colossales là-bas.
Et ce qui semble être une situation perdante-perdante pour les géants de la technologie pourrait bientôt devenir une bataille perdue pour les consommateurs également.
Car contrairement aux guerres commerciales passées sur l’acier ou l’agriculture, celle-ci concerne les plateformes numériques que des milliards de personnes utilisent chaque jour.
En d’autres termes, cette guerre froide pourrait changer notre façon à tous d’utiliser Internet.
Personnellement, je pense que les entreprises américaines devraient rester fermes.
Les réglementations européennes sévères peuvent sembler bonnes sur le papier, mais elles risquent de tuer le type d’innovation qui stimule le progrès.
C’est pourquoi je pense que la FTC a raison de riposter et que Washington a raison de considérer cela comme plus qu’un simple litige juridique.
Il s’agit d’une bataille pour l’avenir d’Internet.
Et si l’Amérique gagne, l’innovation gagne.
À très vite,
Ian King